Les conférences organisées par la SAHIV en 2018
9 janvier, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Matthieu Le BOULCH, Rennes, de la Motte à Madame au Contour des pouvoirs : portrait d’un espace de transition (XVe – XXIe siècles)
Dès les années 1420, à la fois par peur et doubte des ennemis et pour asseoir leur pouvoir naissant, la dynastie des Montfort fait ériger deux nouvelles enceintes, l’une à l’est de celle du Bas Empire (l’enceinte de la Ville Neuve), l’autre au sud de la Vilaine (l’enceinte de la Nouvelle Ville). La Motte à Madame, située sur l’un des versants de la terrasse alluviale de la Vilaine, concentre les efforts de fortification. Un premier boulevard (reconstruit en 1480) vient défendre la porte Saint-Georges dans les années 1460.
D’un lieu stratégique pour la défense, cette entrée de ville se transforme, suite au déclassement des fortifications, en un lieu rebond et un coupe-gorge. Comment ce faubourg, servant de retraicte aux voleurs de nuits, devient-il, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, un lieu prisé des parlementaires, préfigurant le Contour des Pouvoirs que nous connaissons aujourd’hui ?
À travers les sources manuscrites des archives de Rennes et les nouvelles données issues des prospections archéologiques, nous tenterons de dresser un portrait de cet espace de transition, du XVe siècle à nos jours.
Vue du quartier du Contour de la Motte : enceinte de la Ville Neuve
Hôtel de Cuillé (2, Contour de la Motte)
Gaine du boulevard de la porte Saint-Georges (1480)
13 février, 14h30 : archives départementales
Assemblée générale
Jean-Claude MEURET, Notre-Dame de Nyoiseau aux XIIe et XIIIe siècles, abbaye angevine mixte née de l’érémitisme
Si Fontevraud fut bien une communauté mixte au départ, très vite, dès avant la mort de Robert d’Arbrissel, sa réussite en fit une annexe de la plus haute sphère du monde Plantagenet, et elle devint avant tout une puissante abbaye de femmes. Fondée par Salomon, autre ermite très proche de Robert d’Arbrissel, Nyoiseau constitue une expérience beaucoup plus modeste, avec seulement une dizaine de prieurés. Cependant, pendant un siècle, de 1109 au début du XIIIe siècle, elle mena une expérience à la fois religieuse et sociétale quasi unique, associant une communauté de femmes menée par l’abbesse, et un groupe de frères, de clercs, d’ermites. Avec Fontevraud, Notre-Dame du Nid-de-Merle, près de Rennes, et Étival dans la Sarthe, elle s’inscrit dans le cercle très restreint des abbayes expérimentales qui tentèrent de prolonger le mouvement érémitique initié par Robert d’Arbrissel. L’étude de l’abbaye montre aussi sa pleine inscription dans le monde d’alors qui était celui de la seigneurie au sens féodal, domanial, économique et humain, ainsi que dans certains conflits de pouvoir entre évêque et pape. Les prieurés ont fait l’objet d’une étude particulière, spécialement ceux des Lochereaux près de Doué-la-Fontaine et de la Lande-aux-Nonains en Soucelles, et ce depuis le XIIe jusqu’au XVIIIe siècle. Occasion d’observer l’évolution du phénomène monastique dans le temps long, d’aborder la question de la place de l’Église au temps de la Réforme grégorienne, l’intégration et la récupération du mouvement érémitique par le pouvoir épiscopal, en particulier par l’évêque Ulger, puis les « désordres » du XVIe siècle, en réalité des évolutions spirituelles et conventuelles liées à la Réforme protestante, et enfin la Contre-Réforme catholique du XVIIe siècle.
La conférence portera surtout sur l’histoire de l’abbaye à la grande époque de ses débuts et de son apogée, aux xiie et xiie siècles. Le lecteur désireux d’en savoir davantage pourra consulter l’ouvrage édité en 2017 par le conférencier, Actes et Histoire de l’abbaye angevine de Nyoiseau (1109 – XVIIIe siècle).
Chirographe (XIIe siècle), prieuré des Lochereaux (parchemin ; AD Maine-et-Loire, 251 H 14)
Restes du cloître de l'abbaye, XIIe siècle (cl. J.-C. Meuret)
Grange dîmière de l'abbaye (XVIIe siècle, sur bases antérieures ; cl. P. Suteau)
13 mars, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Guillaume KAZEROUNI, Le fonds Godet du Musée, un peintre et la guerre
Peintre et pédagogue actif à Rennes entre 1900 et 1960, Camille Godet est l’un des rares artistes à avoir été formé et avoir pratiqué son art à Rennes durant toute sa vie. L’exposition organisée au musée des Beaux-Arts entre juin et septembre 2017 a permis de retracer avec plus de clarté le parcours de cet acteur-clef de la vie artistique et artisanale rennaise de la première moitié du XXe siècle. Après une formation à l’école régionale des Beaux-Arts et un bref passage aux Beaux-Arts de Paris en 1897-1898, Camille Godet débute une carrière d’artiste-artisan et d’artiste-enseignant peu avant qu’éclate la Première Guerre mondiale. Il obtient en 1914 le poste de professeur de dessin industriel aux Beaux-Arts de Rennes. Après quatre années d’interruption à cause de la guerre où il part en volontaire, Godet reprend son poste. Sa production, en très grande partie concentrée sur le support papier (aquarelle et gouache) s’anime alors de quelques grandes commandes décoratives passées par le maire Jean Janvier. Ainsi, il orne de vastes frises illustrant des thématiques républicaines d’alors centrées sur la patrie et le travail, le salon dit des poilus de l’opéra en 1918, la salle dite du Panthéon à l’hôtel de ville en 1922 et peu de temps après la salle principale de la Maison du Peuple. Avec ces commandes, il s’impose comme le principal décorateur des murs de la ville durant le XXe siècle. Progressivement, son rôle d’enseignant prend le dessus sur sa carrière de peintre.
De cet artiste, l’une des figures les plus attachantes de la scène artistique rennaise du début du XXe siècle, le musée des Beaux-Arts possède un important fonds d’atelier. En partie présenté lors de l’exposition organisée en 2017, cet ensemble s’est enrichi de nombreuses découvertes faites dans des collections publiques et privées. Cette conférence se propose de revenir sur quelques aspects particuliers de l’œuvre de cet artiste et en particulier sur sa production graphique et décorative inspirée par son expérience de la guerre.
10 avril : sortie foraine à Chevré en La Bouëxière
Visite organisée par le CERAPAR
(cl. Agnès Thépot)
15 mai, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Christian BOUGEARD, Rennes et l’Ille-et-Vilaine, autour de Mai 68 dans le cadre breton
Les événements de 1968 plongent leurs racines dans une période de fortes mutations. À partir de 1967, une fraction des agriculteurs et des salariés exprime ses inquiétudes (prix agricoles, salaires, conditions de travail…) et une convergence originale s’opère dans la région entre le syndicalisme agricole (CDJA, FDSEA) et ouvrier (CGT, CFDT), tandis que les étudiants et bientôt des lycéens de plus en plus nombreux se politisent en contestant des règlements autoritaires. L’université de Rennes, la plus importante de la région, y participe. En 1967 et au début de 1968, plusieurs mouvements sociaux se déroulent en Ille-et-Vilaine (manifestations paysannes à Redon et pour la défense de l’emploi à Fougères et à Redon). Les Bretons se sentent sacrifiés et laissés à l’écart de la grande croissance française, même si l’État a fait des efforts de développement (grands chantiers comme l’usine marémotrice de la Rance ou arrivée d’usines décentralisées comme Citroën à Rennes) afin de profiter d’une main-d’œuvre laborieuse, en partie féminine (textile, électronique, agroalimentaire), disciplinée et exploitée. Ces revendications débouchent sur la grande journée du 8 mai 1968 : « l’Ouest veut vivre ! » à l’appel des syndicats ouvriers, agricoles et étudiants (UNEF). Cette journée programmée avant le début des événements parisiens déplace de 70 000 à 120 000 personnes dans l’Ouest, de tous les milieux, surtout en Basse-Bretagne. La mobilisation étudiante dès le 6 mai à Rennes, puis l’occupation des facultés à partir du 7, en solidarité avec Paris, se greffent sur cette journée d’action qui donne le coup d’envoi du mois de Mai 68.
La sortie de crise fut longue et difficile car de nombreuses usines poursuivent la grève jusqu’à la mi-juin (Oberthür...). Les élections législatives se soldent en Bretagne comme dans le pays par un renforcement en sièges de la majorité. Mais pendant les événements le CELIB a obtenu d’importantes concessions de Georges Pompidou pour le développement régional.
Manifestation à Fougères en janvier 1968 [in Christian Bougeard, Les années 68 en Bretagne. Les mutations d'une société (1962-1981), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018]
12 juin, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Hubert DELORME, L’alimentation du clergé à Rennes à la Renaissance (mi XVe – début XVIIe)
Avec 4 % de la population à Rennes, le clergé séculier et régulier fait partie des privilégiés. Mais comment se traduisent ces privilèges à travers les repas, dans une époque médiévale finissante, renaissante, et marquée par de profonds changements sociaux et religieux ? Ces religieux suivent-ils les mêmes règles alimentaires ? Au cœur de la ville, mais souvent en dehors de la vie urbaine, les ecclésiastiques imposent à chacun un modèle de vie rythmé par un calendrier agropastoral alternant les périodes de charnage et de jeûne.
Les neuf paroisses avec à leur tête l’évêque ainsi que les communautés régulières, ont laissé quelques indices de leur alimentation, mais également du discours alimentaire comme fondement social. Ce sont principalement les bénédictines de l’abbaye Saint-Georges qui nous ont légué les plus riches comptes d’achats de denrées. Dotées de « plusieurs beaux privilaiges », nous passerons en revue les grandes familles d’aliments pour en ressortir les traits caractéristiques de leur alimentation. Nous regarderons ensuite les ustensiles de cuisine et les recettes qui en découlent. Puis naturellement le dressage de table avec les verres, couverts et linge de table. Plus occasionnellement, les repas de fête et de banquet sont le moyen de connaître l’évolution des « joyeuses entrées » faites en l’honneur de l’installation d’un nouvel évêque sur le siège épiscopal rennais. Les comptes des miseurs sont là pour nous éclairer sur ces repas ou présents extraordinaires. Enfin, on est en droit de se demander si la gourmandise s’invite à la table du clergé, sous quelle forme et selon quelle portée ?
Le XVIe siècle, par ses sources qui deviennent plus fréquentes, permet de faire des comparaisons et des analyses assez fines sur l’alimentation du premier Ordre.
Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 1B f 228 (1595)
Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2 3H 66/2 (février 1528)
9 octobre, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Antonin HERGAULT, La marmite ou la casserole. Cultures urbaines et rurales à la lumière du mobilier métallique dans la région rennaise au XVIIIe siècle
L’étude historique de la culture matérielle des sociétés peut prendre des formes diverses en fonction des périodes étudiées et des sources disponibles. Dans ce domaine l’inventaire après décès représente, pour les historiens de la culture matérielle, une source d’information importante pouvant être exploitée aussi bien de manière qualitative que quantitative. Nous proposons d’interroger cette source par un angle très peu représenté dans les études des inventaires après décès, celui du mobilier métallique. Que peut nous apprendre ce domaine en particulier, composé d’objets de faible valeur, cette « quincaillerie » pourtant présente dans tous les foyers, riches ou pauvres ? Les très nombreux inventaires après décès du XVIIIe siècle, étudiés de manière sérielle, permettent d’aborder une multitude de problématiques liées aux objets métalliques.
Quelles étaient les pratiques culinaires et les consommations alimentaires des sociétés de l’époque ? Comment les foyers étaient-ils éclairés ? Comment se chauffait-on ? Comment cultivait-on ? Quel rôle jouait la vaisselle métallique dans les pratiques ostentatoires ?
Nous tenterons d’apporter des éléments de réponses à ces différentes questions en comparant deux corpus d’inventaires après décès : l’un correspondant à l’aire urbaine de Rennes, l’autre correspondant aux campagnes des alentours. Cette comparaison nous permettra de mettre en lumière certaines différences entre les deux aires que nous tenterons d’expliquer.
La cuisine bourgeoise (Jean-Baptiste Lallemand, Paris, musée Carnavalet, vers 1762)
13 novembre, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Jacqueline SAINCLIVIER, La sortie de guerre en Ille-et-Vilaine (1918-1920)
L’armistice du 11 novembre 1918 n’est pas la fin de la Grande Guerre, mais un cessez-le-feu en attente de la signature des traités de paix, ce qui ouvre une phase de transition. Même si les hommes mobilisés ne rentrent pas tout de suite, l’armistice est d’abord un immense soulagement pour toute la population. Un soulagement réel, profond qui n’occulte ni les morts de la guerre, ni les invalides dont le retour à la vie civile n’est pas évident. Pour les veuves de guerre et les orphelins de guerre, l’armistice ne signifie nullement la fin des difficultés de la vie quotidienne, malgré l’aide de l’État.
Le cessez-le-feu marque aussi la nécessaire reconversion des industries de guerre en industries de temps de paix avec des implications sur l’emploi. Le retour des mobilisés signifie-t-il la fin du travail salarié pour les femmes ? Ces reconversions nécessaires associées à une hausse du coût de la vie suscitent inquiétude et grèves.
Tandis que le monde syndical se reconstitue, la vie politique reprend et le thème « unis comme au front » fait long feu sauf peut-être dans le mouvement combattant.
L'Ouest-Eclair, 12 novembre 1918
L'Ouest-Eclair, 29 juin 1919
11 décembre, 14h30 : musée des Beaux-Arts
Céline TREBAOL, Instauration et réussite de la réforme au XVIIe siècle : le cas de Saint-Sulpice-la-Forêt
Fondée vers 1112 par Raoul de la Futaie, un ermite proche de Robert d’Arbrissel, l’abbaye de Saint-Sulpice abritait une communauté de femmes et d’hommes placés sous l’autorité d’une abbesse. Abbaye florissante dès ses premières années et jusqu’au XIIIe siècle – notamment grâce à son important réseau de dépendances – la décadence s’installe progressivement entraînant le trouble au sein du monastère. En 1608, avec l’arrivée sur le trône abbatial de la jeune Marguerite d’Angennes, la communauté religieuse, qui est alors exclusivement féminine, va connaître un nouveau souffle. Souhaitant rétablir la discipline et la clôture au cœur de son établissement, l’abbesse instaure la réforme dans le premier quart du XVIIe siècle. Nombre de monastères s’y étaient déjà attelés aux siècles précédents, le cas de Saint-Sulpice est donc tardif. À cette réforme viennent s’ajouter des travaux de réfection de grande envergure, la distribution spatiale de l’abbaye est repensée, réorganisée. Dans les prieurés, lieux de vie plus libertaires, la situation n’est pas des plus évidentes, la réforme y est difficilement admise. Venant mettre un point final à ce bouleversement, les Constitutions de Saint-Sulpice (1685) démontrent par l’écrit la profonde mutation qu’a opérée cette communauté.
Cette conférence permettra de comprendre le processus de mise en place de la réforme et les conséquences qui y sont liées, tant sur le plan social qu’architectural, et nous verrons que la personnalité de l’abbesse tient une place primordiale dans la réussite de cette réforme.
Croisée du transept de l'abbatiale, XIIe siècle (cl. C. Trébaol)
Portrait de l'abbesse Marguerite d'Angennes, XVIIe siècle - Mairie de Saint-Sulpice-la-Forêt (cl. Inventaire général, ADAGP)